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Les tisanes, du mythe à l’usage actuel
Les tisanes appartiennent à un vaste univers dont l’usage remonte à la nuit des temps. Aide à dormir ou stimulant pour aller aux toilettes, l’usage des tisanes ne se résume pas à quelques stéréotypes et peut être un véritable outil de soin, de goût et de plaisir. Revisitons l’univers des tisanes, des usages ancestraux à aujourd’hui.

L’hélichryse ou l’immortelle d’Italie.
Qu’est-ce qu’une tisane ?
Une tisane appartient au champs de l’herboristerie, celui qui utilise les plantes médicinales et confectionne des préparations à base de plantes. Au-delà de la simple infusion, la tisane est en fait bien plus large que ce que l’on imagine ! En herboristerie, le terme tisane désigne une préparation utilisant la plante fraîche ou sèche dans de l’eau. Il peut donc s’agir une infusion, d’une décoction, d’une macération à froid, d’une macération au soleil, et même d’un cataplasme-compresse à base de poudre de plante ou d’une infusion concentrée !
L’herboristerie à travers les âges
Une utilisation des plantes depuis l'Egypte ancienne
Depuis l’homme de Néandertal, l’humain utilise les plantes médicinales dans son alimentation et pour se soigner. De part son rapport à la nature, l’observation, l’écoute des saisons et de ce qui constitue son environnement, il a tout d’abord appris les plantes en expérimentant. Tout un savoir s’est construit au fil des âges, de génération en génération, avec au départ une grande transmission orale.
Les premiers écrits de phytothérapie, retrouvés chez les Chinois et les Égyptiens, datent de 3 ou 4000 ans. De nombreuses connaissances et ouvrages ont également été écrits par les Grecs tels Hippocrate, Galien (théorie dite « des 4 humeurs ») et Dioscoride.
Au Moyen Âge, les plantes médicinales étaient centrales. L’école de Salerne (Italie) dispensait les savoirs de phytothérapie à de nombreux médecins, notamment des femmes. Les monastères étaient considérés comme des lieux de soins où l’on cultivait le jardin des « simples », plantes médicinales essentielles plantées dans chaque jardin.
A la renaissance, Paracelse et sa théorie des signatures fut également une figure marquante de la phytothérapie et de l’alchimie. Cette période est aussi marquée par la chasse aux sorcières. Du XIVe au XVIIe siècles, plus de 200 000 femmes sont victimes de procès en sorcellerie. Les sorcières utilisaient notamment leur connaissance des herbes pour soigner les hommes et surtout les femmes des campagnes.
En 1778, la faculté de Médecine de Paris réglemente l’herboristerie en créant le diplôme d’herboriste délivré par la faculté de pharmacie
Une médecine axée autour des plantes



La chimie fait passer l’herboristerie au second plan
Avec l’avènement de la chimie, les plantes sont peu à peu étudiées d’une façon plus scientifique (extraction des principes actifs). La fabrication de nombreux médicaments chimiques issus des plantes convainc petit à petit l’opinion publique. Progressivement, la médecine et la pharmacie tentent d’établir leur monopole et l’usage des plantes doit être réservé aux médecins. En 1941, le diplôme d’herboriste est supprimé.
En 1945, avec la création de l’ordre des Médecins et des pharmaciens, seul les pharmaciens peuvent alors vendre la majorité des plantes médicinales (les autres commerces n’ayant le droit qu’à 7 plantes). La phytothérapie sombre rapidement et de moins en moins d’herboristes certifiés sont en poste.
Les bases de la phytothérapie moderne sont posées par trois médecins : Dr Cazin, Leclerc et Valnet. En 1979, Simone Veil fait libérer 39 plantes médicinales et 81 plantes aromatiques et d’hygiène générale. Depuis 2008, 148 plantes ont été libérées du monopole pharmaceutique pour la vente en vrac et plus de 540 vendables sous forme de complément alimentaire depuis 2014.
Un renouveau pour l’herboristerie
Actuellement en pleine évolution, l’intérêt pour l’herboristerie et une médecine plus naturelle revient. Ce sont également des dimensions écologiques, de respect de l’environnement et des ressources qui doivent l’accompagner. Les savoirs des anciens se sont eux toujours transmis et doivent perdurer. Plusieurs syndicats, associations et fédérations défendent l’herboristerie tels que l’Association pour le Renouveau de l’Herboristerie, la Fédération française des écoles d’herboristerie (regroupant 5 écoles, notamment les écoles de Lyon et de Paris fondées en 1983 et 1984), le Syndicat des Simples, la Fédération des Paysans Herboristes, la Guilde Française des Praticiens en Herboristerie et l’Association des Herboristeries de France.
L’infusion ou la décoction en pratique
Comme nous l’avons vu, une tisane peut regrouper plusieurs préparation. Attardons nous ici sur l’infusion ou la décoction, les plus communes.
- Quelle partie de plante utiliser ?
Selon les plantes, la tige, feuille, fleur ou racine sont utilisées. Il est important de toujours se renseigner sur la partie de plante à utiliser car certaines plantes peuvent comporter des parties médicinales comme d’autres toxiques. Le mode de préparation est primordiale, certaines plantes pouvant être toxiques si elles sont ingérées (exemple de l’Arnica, utilisée en macérat huileux en usage externe, très toxique si elle est ingérée).
- Infusion ou décoction ?
L’infusion est préconisé pour la plupart des plantes. On utilisera ici les parties aériennes de la plante (feuilles, fleurs, plantes fragiles). De l’eau chaude (environ 80°C) est versée sur la plante et une infusion est réalisée pendant 5 à 15mn.
La décoction utilise des parties de plante plus coriaces (feuilles coriaces, certaines racines, tiges). La plante est placée dans une casserole d’eau froide sur le feu. Une ébullition est réalisée pendant 3 à 10mn. S’en suit une infusion pendant 5 à 10mn.
- Quel temps d’infusion ?
Il est délicat de donner un temps d’infusion précis. Cela dépend des plantes mais également des goûts. En général, on préconise 10mn d’infusion. Certaines infusions comme le tilleul ne doivent pas dépasser 5mn car les effets des plantes peuvent ensuite s’inverser. D’autres au contraires nécessiteront une infusion longue voire une macération prolongée (ex : infusion de feuilles d’ortie pendant 15mn, macération de racine de guimauve pendant 1h dans de l’eau tiède).
- Quel dosage ?
Donner un dosage précis est également difficile. Dans les livres anciens de phytothérapie, les doses sont parfois très élevées. Cela correspond à des dosages thérapeutiques pour augmenter son effet. Cependant, selon les personnes, des doses plus ou moins importantes seront nécessaires pour observer une action. En général, on conseille 2 cuillère à soupe de plantes pour 1L.
- Des plantes fraîches ou sèches ?
Les deux sont utilisées. La plupart des plantes révéleront davantage leurs principes actifs lorsqu’elles sont sèches. Des différences de goûts sont observées entre un usage frais ou sec, place à l’expérimentation personnelle…
- Une tisane hydrate-t-elle ?
Les plantes médicinales outre le thé et le café permettent tout de même de s’hydrater. Cependant, notre corps doit éliminer et traiter les principes actifs contenus dans les plantes. Toutes les tisanes sont donc à minima diurétiques et font travailler notre organisme (notamment les reins), empêchant l’eau de rester suffisamment longtemps pour hydrater. C’est pourquoi une tisane ne remplace pas l’apport d’eau quotidien nécessaire.
Le soin grâce aux tisanes
Toute plante renferme en elle un bouquet de molécules biochimiques, appelées principes actifs. Celles-ci ont une action sur le corps et agissent en synergie. C’est pourquoi une plante pourra être prescrite pour différents usages. Chaque plante possède des affinités avec certaines indications thérapeutiques. Comme pour toute médecine, il est important de se référer aux spécialistes et aux ouvrages écrits.
Les plantes médicinales possèdent des actions puissantes et la connaissance de la plante est indispensable avant de l’utiliser : est-elle toxique, quelle partie utiliser, comment l’utiliser, quelles sont les contre-indications des plantes en fonction de son état de santé, de sa prise de médicaments, quel dosage est à respecter, sur quelle durée ?
- Se soigner avec les plantes ?
Une plante médicinale est utilisée pour prévenir, soulager ou guérir des maladies. La prévention est un axe important mais il est également possible d’utiliser les plantes dans des situations plus aiguës, en fonction des problématiques et de la personne. En fonction de leurs principes actifs, les plantes pourront agir sur différents systèmes du corps humain : digestif, nerveux, respiratoire, urinaire, sanguin, hormonal, ostéo-articulaire,… Leurs indications seront diverses.
- Adapter en fonction de son mode de vie :
Pour se soigner avec les tisanes, en phase aiguë notamment, 1L par jour est nécessaire pour avoir une action efficace. En fonction de son mode de vie mais également des goûts, cela peut être plus ou moins contraignant. D’autres formes galéniques peuvent être plus adaptées en phytothérapie (alcoolature, gélules,…). La tisane reste le mode le plus simple et le plus proche de la plante à utiliser.
L’art de formuler une tisane
Les plantes peuvent s’utiliser seules ou en mélange, en fonction des actions recherchées, des goûts et des parties de plantes utilisées. Si un mélange est réalisé, il est important de s’intéresser au mode de préparation de la plante : est-ce une infusion ou une décoction ? Il sera dans la plupart des cas difficile de mélanger une fleur et une racine par exemple.
- Avec les plantes seules, l’expérimentation des goûts sera plus facile et de belles rencontres peuvent avoir lieu !
- Pour consommer les plantes en mélange, plusieurs axes de réflexions sont possibles : confectionner un mélange pour le goût / réfléchir à l’action thérapeutique de chaque plante pour qu’elles se complètent…
L’avantage sera aussi de compléter un mélange avec des plantes qui améliore le goût et l’aspect agréable de la tisane.
Exemple d’un mélange simple agissant sur le foie :
- Feuilles de pissenlit (plante amère, cholérétique et cholagogue)
- Feuille de romarin (tonique et régulatrice du flux biliaire)
- Fleurs de camomille allemande (tonique amère digestive)
- Fleurs de mauve (grâce aux mucilages, elle complète le mélange en apportant douceur et protection des muqueuses digestives)
Où s’approvisionner ?
On trouve aujourd’hui de nombreuses plantes étrangères, venant compléter ou remplacer l’action de plantes locales. Prenons le cas des plantes adaptogènes (Ashwagandha, Rhodiole, Ginseng, Astragale, Eleuthérocoque…). Ces plantes très en vogue pour lutter contre le stress et la fatigue sont toutefois loin d’être anodines et peuvent être trop fortes pour notre organisme, peu habitué a des plantes venant d’un autre environnement. D’autre part se pause la question écologique : transport, pression sur la ressource dans les pays concernés, conditions de travail des cueilleurs,… Toutes ces plantes ont en plus des alternatives locales tout aussi efficaces que l’on a tendance à oublier…
Consommer des plantes locales et s’assurer de leur provenance est donc essentiel. Privilégier l’achat auprès de petits producteurs sera indiqué pour avoir des plantes de plus grande qualité. Celles-ci contiennent souvent plus de principes actifs et sont cueillies dans le respect de l’environnement et de la ressource. Des populations de plantes se voient aujourd’hui décimées par des cueillettes excessives (notamment au profit de grands laboratoires), sans respect des bons gestes de cueillette. De plus en plus d’herboristeries se montent avec ce regard écologique. Consommer des plantes médicinales c’est aussi et avant tout se relier à la nature…
Enfin, il est possible de cueillir et bien entendu de cultiver ses plantes médicinales essentielles. Dans le cas de la cueillette, quelques gestes essentiels sont à respecter pour prendre soin de la ressource : être sûr de son identification de plante, cueillir dans un endroit préservé de toute pollution, ne pas arracher les racines, prélever les jeunes feuilles de l’année (sur 10 cm environ), ne pas cueillir plus du tiers des plantes présentes, avoir le matériel adapté (sacs en papier kraft, couteau / sécateur désinfectés).
Contacts
De la cueillette au séchage, comment procéder ?
Le 20 mai prochain, le Centre National de Pomologie organise un atelier sur les tisanes, de la cueillette au séchage afin d’aborder toutes ces questions. Cet atelier pourra être reconduit selon l’intérêt, n’hésitez pas à vous inscrire sur liste d’attente.
Quelques gestes essentiels à retenir :
– Cueillir par beau temps.
– Se renseigner sur la période de récolte selon les plantes.
– Faire sécher à l’ombre et à l’abri de l’humidité (l’idéal sont des claies, il est possible d’utiliser une cagette recouverte d’un linge).
– Bien étaler les plantes pour éviter l’oxydation.
– Une plante bien séchée n’est pas noircie ni marron et conserve une bonne odeur.
– Stocker les plantes à l’ombre et à l’abri de l’humidité, dans des sacs en papier kraft et non dans des bocaux en verre qui altèrent la conservation.
De la cueillette au séchage, comment procéder ?
Le 20 mai prochain, le Centre National de Pomologie organise un atelier sur les tisanes, de la cueillette au séchage afin d’aborder toutes ces questions. Cet atelier pourra être reconduit selon l’intérêt, n’hésitez pas à vous inscrire sur liste d’attente.
Quelques gestes essentiels à retenir
- Cueillir par beau temps
- Se renseigner sur la période de récolte selon les plantes
- Faire sécher à l’ombre et à l’abri de l’humidité (l’idéal sont des claies, il est possible d’utiliser une cagette recouverte d’un linge)
- Bien étaler les plantes pour éviter l’oxydation
- Une plante bien séchée n’est pas noircie ni marron et conserve une bonne odeur
- Stocker les plantes à l’ombre et à l’abri de l’humidité, dans des sacs en papier kraft et non dans des bocaux en verre qui altèrent la conservation
Quelques ressources à consulter
- 300 plantes médicinales de France et d’ailleurs, Annie Fournier, Claudine Luu, ed. Terre vivante, 2020
- Grand Manuel de phytothérapie, Eric Lorrain, ed. Dunod, 2019
- La phytothérapie : traitement des maladies par les plantes, Jean Valnet, ed. LGF, 1983