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La garance des teinturiers, une place à part dans l’histoire
Rubia tinctorum, la garance des teinturiers a été, comme toutes les teintures naturelles, au centre de l’utilisation de l’industrie textile jusqu’à la fin du XIXe siècle. Supplantée par les teintures synthétiques, la teinture issue des plantes redevient un enjeu économique et culturel.
- Garance des teinturiers
- Rubia tinctorum
- Rubiaceae
- Récolte des racines en septembre

© AdobeStock / mirzamlk
La garance des teinturiers appartient à la famille des Rubiacées, qui comprend plus de 13 000 espèces à travers le monde (dont le café), principalement dans les régions tropicales.
Cette plante vivace, grimpante ou rampante, possède des tiges anguleuses de 1 à 1,5 m de long, munies de petits crochets, des feuilles verticillées (disposées en cercle autour de la tige), ovales-lancéolées, rugueuses, également bordées de petits crochets, des fleurs discrètes jaune verdâtre, réunies en cymes terminales et surtout des racines rougeâtre à maturité, source des pigments rouges (alizarine, purpurine, rubiadine, …
Originaire de la Méditerranée orientale (Turquie, Syrie, Iran), la garance s’est acclimatée à toute l’Europe du Sud. On la trouve dans des sols bien drainés, calcaires à légèrement argileux et sur des terrains secs et ensoleillés, souvent en friche ou au bord des cultures. Elle est bio-indicatrice de sols pauvres en azote, exposés à la lumière.
Bien que la garance soit la plus connue, plusieurs autres espèces de Rubiacées ont également été utilisées en teinture comme la garance voyageuse (Rubia peregrina) ou l’Aspérule des teinturiers (Asperula tinctoria).
Une place de choix dans l’histoire
La garance a joué un rôle capital dans l’histoire des colorants naturels. Des traces d’utilisation de la garance remontent à plus de 3000 ans, notamment en Égypte (momies enveloppées dans des linges teints), les Grecs et Romains l’utilisent pour teindre les vêtements de cérémonie et de guerre. Au Moyen Âge, la culture de la garance s’implante dans les régions méditerranéennes. Dans le sud de la France, elle est cultivée dans les jardins de simples des monastères. Le rouge devient une couleur précieuse, souvent associée à la noblesse et au clergé.
De la Renaissance au XVIIIe siècle, des centres de production se développent dans le Languedoc et en Provence. Le commerce de la garance devient un enjeu économique majeur en Europe et des variétés améliorées sont sélectionnées pour la richesse de leurs racines.
Le rouge garance devient la couleur emblématique de l’armée française (pantalons rouges jusqu’en 1914). Mais en 1868, l’alizarine est synthétisée à partir du goudron de houille par Gräbe et Liebermann, entraînant l’effondrement rapide de l’économie de la garance naturelle.
Elle est aujourd’hui cultivée à petite échelle pour la teinture végétale et parfois en cosmétique ou en phytothérapie.
Recette : préparation de la teinture de garance
Ingrédients et matériel
- Racines de garance séchées et broyées, eau
- Fibres textiles (laine de préférence mais aussi soie, coton ou lin)
- Mordant (alun de potassium pour les fibres animales, ou autre mordant pour les fibres végétales)
Étapes
1. Mordançage des fibres :
- Faire tremper les fibres dans une solution d’alun (15% du poids du tissu) pendant 1h à 60–70°C.
- Laisser reposer plusieurs heures, rincer et sécher.
2. Préparation de la décoction :
- Faire tremper la poudre ou les racines de garance dans de l’eau tiède pendant une nuit.
- Chauffer à 80°C maximum pendant 1 à 2 heures. Ne pas faire bouillir, car l’alizarine est sensible à la chaleur, puis fitrer
3. Teinture :
- Plonger les fibres mordancées dans le bain de teinture tiède.
- Maintenir entre 60–80°C pendant 1 à 2 heures en remuant doucement.
- Laisser reposer plusieurs heures ou une nuit pour une meilleure fixation.
4. Rinçage et séchage :
- Rincer abondamment à l’eau tiède.
- Faire sécher à l’ombre.
Pigments principaux et couleurs obtenues

Écheveaux teints naturellement avec de la racine de garance, Virginie, États-Unis. © Madison60
Les pigment contenus dan les racines de garance sont l’alizarine (rouge profond, stable), la purpurine (rouge plus orangé, sensible à la lumière) et le rubiadine (teintes brun-rouge).
Les couleurs obtenues varient selon la nature des fibres textiles, en raison de leur composition chimique et de leur capacité à fixer les pigments. Sur les fibres protéiques comme la laine ou la soie, la garance donne ses plus belles nuances : un rouge profond, tirant sur le rouge brique, avec une excellente tenue.
Les fibres cellulosiques comme le coton ou le lin, quant à elles, absorbent moins bien les colorants. Sur ces matières végétales, la garance produit des tons plus clairs, allant du rose passé au rouge orangé, parfois brunâtres sur le lin. Ces fibres nécessitent un mordançage (adjonction de substances chimiques) plus complexe, généralement en plusieurs étapes, pour fixer durablement la couleur.
Ainsi, selon le textile, la garance offre une palette riche mais nuancée, allant des rouges les plus chauds à des tonalités plus douces et naturelles.